Cette
responsabilité, nous la retrouvons d’ailleurs dans différents champs
sociaux et sociétaux. Qu’il s’agisse du rapport à nous-même ou aux
autres, dans les domaines factuels de la loi ou plus empiriques de la
psychologie.
Bref, en fin de compte, qu’est-ce qu’être responsable ?
A l’origine étaient les mots
Il
est déjà intéressant de noter quelle perception en ont nos Immortels de
l’Académie Française. Dans le Larousse qui s’en inspire, cinq clefs
d’entrée nous sont proposées :
- Qui doit rendre compte devant une autorité de ses actes ou des actes de ceux dont il a la charge.
- Qui est l'auteur ou le coupable de quelque chose et doit en supporter les conséquences.
- Qui est à l'origine d'un mal.
- Qui a la charge d'une fonction.
- Qui est réfléchi, sérieux, qui prend en considération ses actes.
Sur
le plan étymologique, l’adjectif « responsable » vient du latin
« responder», qui signifie répondre. D’ailleurs, une expression usuelle
nous le rappelle qui est « répondre de ses actes ». Ce qui me conduit à
rappeler que pour répondre, il faut avoir entendu et donc prétendument
compris la teneur des signaux émis par soi à destination de soi-même ou
par un autre à destination de soi.
De la conscience à la volonté
Se
pose par conséquent immédiatement pour moi la question de la conscience
et de la volonté qui en résulte en certains cas, conscience et volonté
indissociablement liées à cette notion de responsabilité. Autrement dit,
on comprend pourquoi un jeune enfant comme une personne connaissant une
altération sur le plan psychique ne peuvent être identifiés comme
responsables de leurs actes. La loi l’a bien compris qui qualifie ces
deux populations d’irresponsables. Pour autant, dans le cas des enfants
dénommés pour cette raison de mineurs, les adultes (parents, tuteurs, …)
qui les ont en charge sont dépositaires, « par « délégation », de la
responsabilité dont ils disposent. Ce qui signifie finalement que
l’Homme, par nature (au sens philosophique du terme) est responsable,
sans pour autant en avoir, en toutes circonstances et à tout moment, la
peine conscience au titre de son exercice.
A
contrario, il est par conséquent une erreur de prétendre qu’en certains
cas la pluie est responsable de dégâts ou que le soleil des coups du
même nom. Ils n’en sont que la cause, faute de réflexion et donc de
conscience de leur part. Par contre, celles et ceux qui ont autorisé la
construction d’habitations en zones inondables ou qui n’ont pas protégé
la peau de leur progéniture à l’aide de crèmes solaires sont bel et bien
responsables.
Pour le pire et le meilleur
Prenons
à présent les synonymes de cet adjectif tels qu’ils nous sont
généralement proposés. Il y a les vertueux : pondéré, raisonnable,
réfléchi, équilibré, fébrile, sérieux, attentif, scrupuleux, mûr,
obstiné, exact, assidu, consciencieux, honnête, chargé, garant,
comptable, compétent, sérieux, raisonnable, convaincu, efficace,
précieux, ingénieux, etc…. Mais il y a aussi ceux qui sont beaucoup
moins louables comme : coupable, fautif, punissable, condamnable,
pendable, indigne, répréhensible, etc…..
J’aime
bien cette autre approche qui permet aussi de mieux comprendre un tel
concept. Nous constatons alors qu’il caractérise une posture à deux
facettes radicalement opposées. En somme, l’Homme peut être responsable
pour le meilleur comme pour le pire.
La connaissance, ferment de la responsabilité
Je
rappelle que le contraire de la responsabilité est l’irresponsabilité,
c’est-à-dire l’absence de responsabilité effective ou son déni conscient
ou inconscient. Cette ambivalence de la responsabilité comme action
ayant une finalité favorable ou défavorable montre donc bien qu’elle
relève d’un choix. Elle ne fait donc l’objet d’aucune fatalité qui
conduirait à être responsable malgré soi. D’où la nécessité de définir
les contours d’une responsabilité avant qu’elle se rappelle à nous à
l’occasion d’évènements qui l’interpellent.
Cela
signifie qu’un choix ne peut être fondé, argumenté, que s’il est établi
sur une connaissance préalable du sujet. Trop de responsabilités aux
conséquences négatives trouvent en effet leur origine dans le constat
d’une ignorance du sujet, voire du constat de sa négation délibérée.
Cela est tout particulièrement vrai du rapport à la loi française qui
rappelle pour cette raison que nul n’est censé l’ignorer.
Comme
le précisent toutefois certains juristes, cet adage représente en fait
une fiction juridique, c’est-à-dire un principe dont on sait la
réalisation impossible, mais qui est nécessaire au fonctionnement de
l’ordre juridique. Ici, la fiction est évidente : personne ne peut
connaître l’ensemble des lois. Mais dans le même temps, cette fiction
est éminemment nécessaire. En effet, si elle n’existait pas, il
suffirait à toute personne poursuivie sur le fondement d’une loi
d’invoquer (et même de prouver) son ignorance du texte en cause pour
échapper à toute responsabilité et donc sanction. On comprend que les
règles perdraient toute efficacité devant la facilité avec laquelle on
pourrait se soustraire à leur application.
La
Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
résume très bien tout ceci dans son préambule : « Les Représentants du
Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que
l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules
causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont
résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels,
inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration,
constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle
sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir
législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant
comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus
respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais
sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au
maintien de la Constitution et au bonheur de tous. »
J’en
conclue après cette brève incursion, l’expression et la reconnaissance
indispensable de la responsabilité parce qu’objet à la fois
d’émancipation propice au respect de la dignité humaine sur le plan
individuel et objet majeur de cohésion sociale sur le plan collectif par
la régulation du vivre ensemble qu’il facilite, pour le meilleur bien
sûr.
En
somme, être responsable en connaissance de cause clarifie, structure et
garantit ainsi la qualité du rapport à soi et aux autres.
François Bouteille