Désactiver le préchargement

LE COMITÉ DE DIRECTION OU COMMENT GAGNER EN EFFICACITÉ À PLUSIEURS

Vaincre avant tout ses a priori

Il serait vain de penser que cet isolement, de la réflexion à la prise de décision, ne concerne que le dirigeant. Je suis obligé de constater qu’elle concerne généralement l’ensemble de des collaborateurs disposant d’une fonction décisionnelle, à commencer par les plus proches. Sans doute ces derniers développent-ils, en fidèles lieutenants qu’ils sont, une pratique à l’image de leur responsable ? Quoi qu’il en soit, une récente étude du Cabinet VISCONTI confirme que le CODIR est « un levier fondamental de croissance » par la vision stratégique globale et permanente qu’il offre. Plusieurs raisons expliquent pourtant la frilosité des dirigeants à initier un tel outil. Tout d’abord, une conviction ancienne qui demeure et qui consiste à penser que l’unicité de la responsabilité terminale implique l’unicité de ce qui la suggère en amont. Si cela est vrai pour partie en matière de prise de décision, je ne vois pas pourquoi le dirigeant devrait systématiquement s’isoler pour réfléchir.

Ensuite, trop nombreux sont les patrons de PME/PMI qui pensent que le CODIR est réservé aux grands Groupes, du fait des nombreuses contraintes qui en résulteraient. Bien au contraire, j’ai pu constater que les problèmes de communication interne, de cohésion entre collaborateurs proches étaient beaucoup plus fréquents dans les petites structures. La proximité physique, peu génératrice de formalisme, est souvent un dangereux miroir aux alouettes.

Autre raison, plus délicate il est vrai, de penser qu’en associant d’autres à sa réflexion, le chef d’entreprise perdrait une part de son pouvoir, parfois même une sorte de romantisme chevaleresque héroïque. Faudrait-il déjà clarifier ce qui est entendu par pouvoir, à commencer par celui qui est réellement profitable pour l’entreprise.

De multiples intérêts

Le CODIR trouve sa pertinence dans le postulat affirmant qu’en certaines circonstances nous sommes plus performants en échangeant des points de vue à plusieurs qu’en nous isolant. Autrement dit, le résultat attendu a plus de chances d’être au rendez-vous par la pratique d’un management participatif. Nous verrons plus loin qu’il convient d’adjoindre toutefois quelques conditions d’ordre postural et méthodologique pour vérifier la véracité de cette conviction.

Ce mode de gouvernance élargi présente de multiples intérêts. Il aide déjà le dirigeant à mieux capter et capitaliser tous les signaux impactant son entreprise (des plus faibles aux plus forts, négatifs comme positifs) qu’ils proviennent de l’interne comme de l’externe.Ils lui permettent en retour d’envisager plus précisément chaque étape de sa croissance tout en développant son leadership.

Le CODIR facilite ensuite la régulation de la charge de travail, la résolution des difficultés rencontrées, dans une recherche constante et accrue de la productivité, de la qualité comme des conditions de travail. Il favorise en effet la préparation, voire la prise des décisions avec une plus haute probabilité de réussite grâce à l’instauration d’un échange régulier et structuré entre experts, à partir de l’exposé d’arguments objectifs.

En prenant régulièrement le recul nécessaire, il facilite l’analyse des réalisations et des résultats obtenus afin d’optimiser en retour l’offre de service et les objectifs à atteindre.

Chacun de ses membres peut assumer avec plus de sérénité la solitude inévitable de sa fonction sans tomber dans le piège de l’isolement. Il renforce dans le même temps la cohésion interne, le décloisonnement des services, par l’optimisation de la communication interne, expression d’une dynamique collaborative. Le CODIR est aussi le garant du respect par tous du système de valeurs partagées de l’entreprise.

De plus, chacun de ses membres voit son autonomie renforcée par l’instauration d’une délégation maîtrisée du chef d’entreprise. Par conséquent, le travail collectif comme individuel ainsi que les résultats obtenus sont mieux reconnus et donc plus valorisés, tout ceci alimentant l’indispensable motivation.

Enfin, contrairement à ce qui est généralement pensé, une telle organisation permet de gagner un temps non négligeable grâce à une qualité et une productivité accrues.

Quelques recommandations pour réussir

Je préconise un cadencement hebdomadaire et une durée qui n’excède pas deux heures. Il est souhaitable de prévoir un rendez-vous semestriel plus long, une journée par exemple, si possible hors de l’entreprise, qui soit destinée à faire le bilan de la période écoulée pour envisager ensuite la construction du plan d’actions semestriel à venir.

Un ordre du jour est connu de tous qui reprend aussi les actions en cours.

Chaque domaine caractérisant une entreprise doit être représenté (prospection et vente, production, ressources humaines, administration et finances, qualité, R & D,...). La prise de parole est disciplinée.

Chacun intervient à son tour de manière claire et concise, en objectivant ses propos (pas de rumeurs ou de jugements de valeur et sans être interrompu).

Chaque membre s’exprime en tant qu’expert selon son champ de compétences spécifique. Un relevé de décisions est rédigé en temps réel et diffusé dans la journée-même. Ce document précise l’avancée des actions en cours (tableau de bord), celles à entreprendre et mentionne qui en est le pilote et les moyens dont il disposera (plan et fiches-action).

Parce qu’il pratique un management participatif, le dirigeant ne parle pas plus de 20% du temps imparti à chaque réunion afin d’alimenter son point de vue par l’observation et l’écoute. Au cours de la réunion, il reformule et synthétise régulièrement ce qui a été exposé pour présenter ensuite la décision qu’il prend après avoir écouté l’avis des parties prenantes (tour de table en cas de décision complexe). Il peut opter pour une décision collégiale à la majorité ou l’unanimité. Il peut enfin choisir de différer sa décision et le précise alors en ces termes. Le CODIR est ainsi le moteur principal de l’entreprise. Il lui est donc essentiel. Il est générateur de contraintes, tel que son formalisme, qui demandent à être dépassées au profit des nombreux avantages exposés ici qu’il présente pour l’entreprise, son dirigeant comme pour chacun de ses membres.

J’espère que ce court propos vous confortera dans le choix que vous avez fait de disposer d’un CODIR ou vous aura convaincu de l’absolue nécessité d’en envisager sans plus attendre la création.

 

 

François BOUTEILLE

Bibliographie
- Les CODIR du 3e millénaire –Edgar ADDED & Hervé SAINT AUBERT – Editions PEARSON
- L’entreprise dans la démocratie – Pierre Yves GOMEZ – Editions De BOECK
- Pouvoir et gouvernement d’entreprise – Henry MINTZBERG – Editions d’Organisation
- Gouvernement, organisation et entreprise – Michel FOUCAULT – Editions PUL